mardi 13 octobre 2009

Dépucelage...

"Ca y est, il arrive...

Depuis 10mn, je vois la masse sombre derrière, se rapprocher, énorme, s'étendant du ras de l'eau à une altitude démente, gris et zébré d'éclairs.. Le tonnerre, l'air lourd, palpable... Je vais me le prendre, c'est sûr, mon premier grain du pot au noir.. J'angoisse

C'est le crépuscule, vite prendre un ris, pourtant il n'y a que 10kts de vent, peu importe.. Bernot disait toujours "casque lourd", alors j'assure...
Premier ris pris, coup d'oeil à l'anémo, 12kts, tranquille. Je fais quoi? enrouler le gennak? Faut pas exagérer mauviette! Je reprends la barre, les éclairs illuminent la nuit tombante et mon stress grandit.

Brutalement le vent monte, vite, très vite, 12kts, 14kts, 17kts, pilote, vite enrouler le gennak, j'abats, choque l'écoute, tire sur la bosse, le gennak s'enroule à moitié, puis se déroule, happé par le vent subitement monté à 25kts. Merde !!

Il claque maintenant violemment, je reborde à la volée dans un fasseyement, surtout ne rien péter! Prendre un second ris, vite, je monte sur le roof, choquer la drisse, prendre le ris sous une pluie battante, pas eu le temps de mettre la capuche du ciré, l'alarme du pilote est étouffée par le vacarme des voiles.. Bref c'est la berezina, mais il parait que l'action fait oublier la peur...

Je reviens à la barre, débraye le pilote, abats en grand pour regonfler le gennak avant qu'il n'explose. le bateau se couche immédiatement, déséquilibré par le gennak trop bordé et la GV fasseyante, quel nul ! L'anémo annonce 38kts. Je me cramponne, mais curieusement la mer est plate, balayée par un souffle qui entraîne Jules comme un jouet dérivant. Le gennak, dans la lumière de ma frontale, semble posé sur l'eau, j'ai peur, je m'en veux, pourvu que ca ne monte pas plus, pourvu que rien de pète...

Et puis, après quelques longues minutes de cet inconfortable monde penché, la pluie s'arrète aussi vite qu'elle a commencé, je réussis à attraper l'écoute de gennak, choquer, abattre, Jules part en surf comme je l'adore. Le vent a molli, ou bien je m'y suis habitué, 27kts, ah oui ça a bien molli. Ouf... Nous sommes entiers Jules et moi..."


Voila, moi c'est comme ca que j'ai vécu mon premier grain, ce récit pourrait être issu de mon livre de bord, ou peut etre celui de beaucoup d'autres coureurs, mais il est resté gravé dans ma mémoire.
Souvenir intense et effrayant, nullement atténué par la longue série des grains suivants, ou j'ai juste pu améliorer mes chronos en prise de ris..

Alors pensée pour eux.. qu'ils n'oublient pas leur capuche !!

1 commentaire:

  1. Merci beaucoup ! Tu as l'âme d'un poète ... et maintenant, après ton brillant passage sur le circuit Mini, que deviens-tu ? Christian

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